by MaschataDiop
Les tambours deviennent plus silencieux. Comme s’ils s’Ă©loignaient. Tumm, dum, tumm, dum … Maintenant, je n’en entends que deux, … maintenant le dernier fait … dum, dum, dum … partout … Ă la maison … je suis couchĂ© dans mon sac de couchage. Seulement maintenant, Ă l’aube. Toute la nuit, je me suis assise avec les femmes et les filles du village de N’diguel, au bord de la salle communale ouverte. Au centre, sous le toit en bois en surplomb, des hommes battent des bâtons de bois sur des tambours attachĂ©s par une lanière de cuir, suspendue devant leurs jambes. Il y a aussi quelques garçons dans le cercle, qui est fermĂ© par un autre. De grands hommes se dĂ©plaçant en rythme en cercle, dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, au son des tambours. Corps Ă corps. De près et de loin. Chanter le zikr. Avec la main droite, couvrir temporairement une oreille, ou les deux, pour entrer plus facilement en transe. Reciter dans sa tĂŞte le “La ilaha illa llah (Il n’y a pas d’autre Dieu que Dieu)”. C’est la fĂŞte de la naissance du prophète Mahomet, appelĂ©e “Gammu” au SĂ©nĂ©gal.
Les femmes portent des turbans ou des voiles, des robes longues aux couleurs vives, s’assoient et regardent les hommes. Elles ne sont pas autorisĂ©s Ă chanter. Leurs hommes sont des Baye Fall, membres d’une confrĂ©rie soufie, et vĂŞtus de robes colorĂ©es en patchwork rassemblĂ©es autour de la taille par de larges ceintures en cuir. Pieds couvert uniquement de chaussettes et sans chaussures. Les nuits dans le Sahel sont fraĂ®ches.
Les tambours sont forts. Ils bourdonnent intensĂ©ment. Le cercle des corps dansants qui se balancent au rythme du tambour me fascine. Une joie enivrante. Je ressens l’Ă©nergie spirituelle. Intense. Dans l’air. Dans le peuple. Sur ma peau. J’aimerais entrer dans le cercle. Dansez avec nous. Chantez avec nous. Je ne peux pas. Je ne peux pas. Buvez du CafĂ© Touba pour reprendre des forces. C’est pour les femmes et les enfants d’aujourd’hui. Pour les hommes, CafĂ© Manuscha, la version encore plus poivrĂ©e et amère. Tous deux fortement sucrĂ©s.
Demain, c’est la pleine lune et j’aurai une audience avec le Marabout Mame Massamba. Le maĂ®tre spirituel a bien plus de cent ans, me dit-on, c’est le plus vieil homme du SĂ©nĂ©gal. Je suis conscient de cet honneur. Je suis excitĂ©e, je ne peux pas dormir, je somnole. Jusqu’au dĂ©jeuner. En dĂ©but d’après-midi, on m’escorte vers l’une des maisons blanchie Ă la chaux. Le sable qui s’insinue dans mes sandales est chaud. J´enleve mes sandales avant d´’entrer. Au milieu de la pièce, un large lit. Sur elle, le vieil homme. Ă€ cĂ´tĂ© de lui, un jeune homme l’aide Ă se redresser.
Je tends des deux mains la nourriture qu’on m’a demandĂ© d’apporter au vieil homme. A genoux devant lui, bien sĂ»r. Les noix de kola avec ma main droite, on me chuchote. Je sais, je sais. Je suis nerveuse, une noix reste collĂ©e a ma main. Pourtant, je reçois une bĂ©nĂ©diction. “Retournez et revenez en paix”, a dit le marabout, on me traduit. “Inshallah ! Si Dieu le veut”, rĂ©pondis-je.
© MaschataDiop 2021-06-13